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Humeur

Tu ne le vois pas ! - N° 10
Que dissimulent les fines clochettes blanches et dentelées ? 

Vendredi 30 avril 2010

Difficile de ne pas voir la marée odorante du muguet qui coïncide avec la fête du travail. C'est là que le bât blesse. 
Ça me remémore mes 18 années dans les balais (et non ballets). Un job miteux qui me laissait toutefois le temps 
d'aller batifoler dans les colzas, d'écrire dans un journal et de voyager dans le monde...

1 Caballé    2 Nourritures terrestres       Saint-Valentin      4 La truite de tonton    5 Les dimanches     6 Peinture...    7 Carnaval      8 Pâques    9 Volcan

    

  • "Bonne récolte de muguet 2010, malgré un hiver rude et un printemps tardif." C'est Coogle qui le dit. Tant mieux pour les marchands de porte-bonheur. Tant pis pour nos porte-monnaie. Tout ça, c'est du commerce...

  • Tu ne le vois pas !

  • Eh ! Tu me gonfles avec ce qu'il faut voir et ne pas voir !

  • Ben quoi ? C'est pas Teszigues qui as instauré cette rubrique ?

  • Ouais... Mais à l'orée de ce n° 10, le pamphlet s'essouffle... J'sais pu quoi dire.

  • Faut reconnaître que tu t'es pas fendu : parler muguet une veille de 1er mai...

  • Et alors ? Faut suivre l'actualité. Y a pas toujours un volcan déguisé en glacier qui pète les plombs et met le foutoir sur la planète (voir page). J'pourrais soliloquer sur la burka ou la bigamie, le potache qui poignarde son prof, les allocs sucrées pour les familles de délinquants... C'est pas mon truc. Ils le font mieux que Meszigues, à la télé. C'est leurs choux gras...

  • Tu ne le vois pas !

  • Ah bon ! J'gobe tout sans réfléchir ?

  • J'ai pas dit ça... Bon, restons-en aux petites clochettes blanches et parfumées...

  • Parfumées, parfumées... Elles sentent la poudre à canon ! Le 1er mai, c'est aussi la fête du travail et de la contestation...

  • Tu ne le vois pas ! 

  • Si fait ! Je ne vois que ça... Et ça ne date pas d'hier. Regarde ci-dessous ! 

 
   
1er mai 1886, la pression syndicale permet à 200.000 travailleurs américains
 d'obtenir la journée de huit heures. Le souvenir de cette journée amène 
les Européens, quelques années plus tard, à instituer la Fête du Travail.
La Une de l'assiette au Beurre dessinée par
 Granjouan en faveur de la grève du 1 Mai 1906.
Les manifestations du 1er mai 1936 marquent l'imaginaire. Images anciennes des bains de mer, balades sur la plage...
  

  • Ben dis donc, t'es remonté ! Alors c'est ça, pour toi, le 1er mai ?

  • En quelque sorte. Faut dire que j'ai été sensibilisé par un travail à la tâche chez un artisan baletier (fabricant de balais) à Lapalud. J'étais chômeur (eh oui, ça sévissait déjà). Je suis allé faire un essai de 8 jours... J'y suis resté 18 ans ! 

  • Y a pas d'sots métiers ! 

  • Sans doute. Mais tout cela me ressemblait si peu ! Quand je révélais mon emploi à des inconnus, jouant sur l'homonymie, je leur disais "Je travaille dans les balais". Ils comprenaient "ballets" et rétorquaient : "Ah ! Vous êtes danseur ?"

Jamel, jeune Tunisien 
ensorceleur...

Chez Gilles frères, fabricants de balais à Lapalud (années 80). Je ne suis pas sur la photo, c'est moi qui la prends. 

   
  • T'étais donc ouvrier baletier ?

  • Ben oui... Ça t'la coupe, hein ? J'étais au début de la chaîne. Je fabriquais des "trognons" en assemblant un manche, des "calos" et du sorgho. Payé à la pièce, j'allais vite. Une dextérité hors norme me permettait d'abattre ma semaine en 4 jours et demi. 

  • Jamel, jeune Tunisien ensorceleur, avait le même travail que moi. Nous faisions la course. Pour ensuite aller batifoler dans  les colzas et les tournesols de la plaine du Rhône... Ai-je vraiment vécu tout cela ? 

  • Tu regrettes ?

  • Non. J'étais encore jeune. L'ambiance familiale d'une petite entreprise facilitait les choses. J'étais un "cas", un sorte d'aristo égaré dans les travaux manuels... 

  • Une liberté relative, la confiance absolue des patrons, aucune astreinte horaire (hormis celle que je m'infligeais nécessairement) m'ont permis d'entrer parallèlement comme pigiste au Provençal (devenu La Provence). 

  • Je prenais aussi de l'avance, dans mon travail. Je faisais de la réserve qui me laissait le temps de voyager dans le monde avec mon pote Michel (voir page)

  • Puis j'ai quitté les balais (1988), suis devenu employé administratif à l'ANPE de Bollène, où j'étais aux premières loges pour observer les cas désespérés du pauvre mec, pudiquement nommé "demandeur d'emploi", alias "chômeur longue durée", trimbalé de stages bidon en sous-jobs temporaires...

  • Bref, un dur boulot loin d'être surpayé, un emploi parallèle dans la presse (qui arrondit aujourd'hui encore ma mimi-retraite), une fin de carrière en dents de scie à l'ANPE m'ont rendu sensible aux problèmes liés au gagne-pain. 

  • Les choses ne se sont guère arrangées depuis. Pour Meszigues, le 1er mai, c'est plus qu'une effluve douceâtre auréolant des clochettes blanches... Je ne participe pas aux défilés contestataires (j'ai pas le look) mais je comprends ! 

  • Comme tout le monde, ,j'achèterai quand même mon brin de muguet. Jusqu'en 2005, c'était d'abord pour maman. Elle n'est plus là. Aujourd'hui, c'est pour la famille. C'est sans surprise. Mais c'est l'occasion d'une belle manière. A ne pas rater, donc !

  • A qui d'autre offrir ce gris-gris porte-bonheur ? En ce qui me concerne, je ne vois pas. On retombe dans le "dis-moi que tu m'aimes !" lancé pour rire à la cantonade pour meubler un vide affectif abyssal...

  • Tu ne le vois pas !

  • T'as raison. Le muguet, c'est aussi le repère de ce vide-greniers, dégoulinant de sympathie, qui, chaque 1er mai, anime le village (voir 2008 et 2009). C'est inoffensif, mignon tout plein, et moins bruyant que les manifs protestataires.

  • A demain, donc, aux puces du 1er mai ! Et si j'vous d'mande "Tu m'aimes ?", dites-moi "oui !"

Meszigues à la brocante du 1er mai
avec mes copines Hélène et Gaby.

Dis-moi que tu m'aimes !

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