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Tiens, donc, qui c'est celui-là ? Il ne semble
pas être tombé de la dernière pluie. C'est l'auteur des fameuses
Nourritures terrestres, qui houspille Nathanaël : "Tu ne
t'étonnes pas assez de vivre !" Il lui dira aussi : "Que
l'importance soit dans ton regard, non dans la chose regardée."
Puis encore : "Que ta vision soit à chaque instant nouvelle. Le
sage est celui qui s’étonne de tout." Etc...
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Nathanaël,
ce jeune disciple imaginaire, nous l'avons tous plus ou moins
incarné, du moins ceux (dont je fus) qui se sont frottés au lyrisme
d'André Gide. Mais quel rapport avec le "Tu ne le vois pas"
sélectif de Montserrat Caballe (voir page)
?
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Ça
va encore être tiré par les cheveux. Tant pis ! J'écris comme ça
me vient. S'étonner de vivre ?
C'est bien. A condition de ne pas encombrer l'étonnement de
disgrâces inutiles. Devant lesquelles Gide et Caballe font, somme
tous, chorus pour nous dire : "Tu ne les vois pas !"
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Voilà
! Après ce préambule chez les grands, on va pouvoir descendre dans
l'arène mondragonnaise.
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Extrait des Nourritures Terrestres
d'André Gide |
A dix-huit ans, quand j'eus
fini mes premières études, l'esprit las de travail, 1e coeur
inoccupé, languissant de l'être, le corps exaspéré par la
contrainte, je partis sur les routes, sans but, usant ma fièvre
vagabonde. Je connus tout ce que vous savez : le printemps, l'odeur
de la terre, la floraison des herbes dans les champs, les brumes du
matin sur la rivière, et la vapeur du soir sur les prairies. Je
traversai des villes, et ne voulus m'arrêter nulle part. Heureux,
pensais-je, qui ne s'attache à rien sur la terre et promène une éternelle
ferveur à travers les constantes mobilités. Je haïssais les
foyers, les familles, tous lieux où l'homme pense trouver un repos;
et les affections continues, et les fidélités amoureuses, et les
attachements aux idées - tout ce qui compromet la justice; je
disais que chaque nouveauté doit nous trouver toujours tout entiers
disponibles. |
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